Le Rendez-vous laitier, organisé par l’Association québécoise des industries de nutrition animale et céréalière (AQINAC), s’est tenu le 22 mars dernier en présentiel uniquement, une première depuis 2019. Parmi les conférences présentées, trois ont capté notre attention : celles de Jacques Nault, du Dr Jean-Philippe Roy et de la Dre Danielle Fournier-Lévesque.

Hebert lussier veronique
Rédactrice-pigiste (Freelance Writer)

Réduction et valorisation des émissions de GES agricoles : comment ça fonctionne?

Jacques Nault est VP agronomie de Logiag, une firme qui offre des services en agroenvironnement aux agriculteurs. Agronome indépendant spécialisé dans l’adoption de pratiques agricoles écologiques et durables jusqu’en 1999, il contribue à de nombreuses publications et conférences sur les pratiques d’agriculture durable. 

Qu’on le veuille ou non, les agriculteurs sont la cavalerie de la lutte aux changements climatiques, selon Nault. L’agriculture est en effet une solution efficace à la protection environnementale, car elle peut agir comme un puits de carbone grâce à son utilisation des sols. Le carbone entreposé dans ceux-ci permet de retirer du CO2 de l’atmosphère.

Un calcul a démontré qu’il était possible de retirer 3,7 tonnes de carbone de l’atmosphère en augmentant de 1 % la matière organique par hectare à une profondeur de 30 centimètres. Ceci correspond à 150 tonnes de CO2 équivalent par hectare. Selon les calculs de Nault, les agriculteurs québécois pourraient compenser les émissions du Québec au complet, incluant celles des individus et de toutes les industries.

Cependant, pour faire leur part dans la lutte aux changements climatiques, il est essentiel que les agriculteurs modifient leurs pratiques afin de réduire de 30 % les émissions de gaz à effet de serre (GES). En production bovine, les sources d’émissions peuvent être séparées en deux catégories : d’un côté, le lisier des vaches et de l’autre, certaines actions requises pour cultiver les champs, comme l’utilisation d’azote, la combustion fossile et la consommation d’énergie. 

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Selon Jacques Nault, VP agronomie de Logiag, il est essentiel que les agriculteurs modifient leurs pratiques afin de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES). Photo fournie par AQINAC.


Plusieurs pratiques régénératrices ont été identifiées pour diminuer les émissions de GES d’une ferme laitière. Elles ont été classées en quatre catégories :
  1. Pratiques assez faciles à mettre en œuvre 
    • Diminution des engrais azotés
    • Établissement de cultures de couverture
    • Gestion du fumier : entreposage et valorisation du fumier
  2. Pratiques relativement faciles à mettre en œuvre
    • Introduction de cultures pérennes
    • Travail réduit du sol
    • Amélioration du confort des animaux
    • Meilleure gestion de l’alimentation
  3. Pratiques relativement difficiles à mettre en œuvre
    • Établissement de bandes riveraines à cinq mètres des cours d’eau
    • Établissement de haies brise-vent
  4. Pratiques assez difficiles à mettre en œuvre 
    • Gestion des pâturages 
    • Agroforesterie

Au niveau de la production de fermentation entérique, une des solutions suggérées par Nault est l’augmentation du nombre de lactations. Alors que le nombre moyen de lactations se situerait à 2,1 selon Lactanet, il serait bon qu’il avoisine plutôt quatre ou cinq selon l’expert. Ceci permettrait d’avoir 25 % de relève laitière, au lieu de 100 % lorsqu’on possède une moyenne de deux lactations. Le fait d’avoir moins de vaches permet de diminuer automatiquement les GES produits par la fermentation entérique.

Bref, la lutte aux changements climatiques doit faire partie des critères de décision des producteurs agricoles lorsqu’ils font des choix pour leur exploitation.

Hygiène et propreté : le point de vue d’un veau… 

Dre Danielle Fournier-Lévesque est associée à la Clinique vétérinaire de Coaticook et est passionnée par les questions concernant l’élevage des veaux ainsi que le logement et le confort des vaches. 

Le colostrum est essentiel pour le veau, mais sa salubrité a un impact majeur sur la santé des animaux. Un bon colostrum permet de diminuer la mortalité et la morbidité, en plus d’augmenter la production laitière en première lactation. Mais qu’est-ce qu’un colostrum propre?

Selon Fournier-Lévesque, un bon départ est l’absence de mouches, de paille ou de fumier dans ou près du colostrum. Le nombre de bactéries totales doit demeurer en bas de 100 000 cfu/ml, et le nombre de coliformes totaux sous les 10 000 cfu/ml.

La salubrité du colostrum passe par des étapes clés. La première est la récolte : le pis doit être propre avant qu’un robot ne s’y attache, tout comme la trayeuse et le récipient. Ensuite, le colostrum doit être réfrigéré ou congelé sans attendre. La pasteurisation est une bonne idée, mais Fournier-Lévesque tient à préciser que ceci ne permet pas de stériliser le liquide, seulement de diminuer le nombre de bactéries. La pasteurisation n’élimine pas non plus les antibiotiques. 

L’administration du colostrum est la dernière étape importante. La bouteille, le seau ou le sac à gaver doivent être bien nettoyés. Les tétines ont une durée de vie d’environ deux mois, et un calcul facile peut être fait pour savoir quand les changer, selon Fournier-Lévesque : « La durée de vie d’une tétine, c’est un veau. » Lorsque le veau est sevré, c’est le moment de jeter la tétine.

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Dre Danielle Fournier-Lévesque est associée à la Clinique vétérinaire de Coaticook et est passionnée par les questions concernant l’élevage des veaux ainsi que le logement et le confort des vaches. Photo fournie par AQINAC.

Quelques outils pour évaluer la propreté

Le premier outil présenté par la conférencière pour évaluer la propreté du colostrum est le comptage bactérien. Elle suggère de faire un comptage bactérien du colostrum et du lait à plusieurs moments, par exemple avant l’ingestion par le veau, ainsi que dans la louve avant et après le lavage.

Ensuite, les analyses d’eau sont utiles si la présence de coliformes est détectée dans le lait. La source d’eau et le chauffe-eau sont de bons endroits où faire des prélèvements.

Finalement, le luminomètre permet de vérifier l’environnement afin de détecter la présence de biofilm, la propreté de la vaisselle et l’efficacité du lavage des murs et des boxes.

Qu’est-ce qui fait le plus mal : ce qu’on sait ou ce qu’on ne sait pas?

Dr Jean-Philippe Roy est professeur titulaire, département de sciences cliniques à la Faculté de médecine vétérinaire, Université de Montréal. Il est chercheur membre du Réseau mammite depuis 2005 et du regroupement Op+lait depuis 2015 en plus d’être directeur du groupe de recherche en santé bovine (GRESABO) depuis 2017.

La mammite est un problème coûteux, fréquent et préoccupant. D’ailleurs, selon un questionnaire proAction, 40 % des producteurs jugent que c’est la maladie qui les préoccupe le plus, loin devant les autres comme la salmonellose, la diarrhée des veaux ou la pneumonie.

Roy a présenté les objectifs d’une étude pancanadienne réalisée par l’Université de Montréal, qui a été faite récemment, et dont l’objectif est de mieux comprendre les coûts de la mammite. Pour obtenir les résultats, les chercheurs ont fait parvenir un questionnaire à des producteurs canadiens, auquel 145 ont répondu.

Tout d’abord, il est important de classifier la mammite en deux catégories : la mammite clinique, où l’on voit des signes de la maladie, et la sous-clinique, où l’animal ne présente plus de signes, mais l’inflammation est encore présente. Selon l’étude, la mammite sous-clinique est beaucoup plus fréquente que la mammite clinique en ferme. Ses coûts sont également beaucoup plus importants.

L’étude a évalué les coûts de la mammite clinique en classant les producteurs en rangs percentiles, afin de comparer les différentes situations. Cela leur a donc permis de voir les différences de coûts entre les producteurs. Par exemple, lorsqu’ils ont comparé la réduction de la production de lait, les chercheurs ont pu constater que le pire troupeau avait perdu 41 000 $ en raison de la mammite clinique, alors que les meilleurs troupeaux avaient seulement perdu près de 4 200 $. Le troupeau médian a dépensé près de 20 000 $ pour traiter des mammites cliniques, sur une base annuelle. 

La mammite sous-clinique a coûté, elle, près de 35 000 $ au troupeau médian (le troupeau qui se situe dans le milieu de la distribution). Le pire troupeau a quant à lui perdu presque 100 000 $ pour traiter la problématique. 

Dr Jean-Philippe Roy est professeur titulaire, département de sciences cliniques à la Faculté de médecine vétérinaire, Université de Montréal. Il a présenté au Rendez-vous laitier 2023 les résultats d’une étude pancanadienne récemment réalisée par l’Université de Montréal et dont l’objectif est de mieux comprendre les coûts de la mammite. Photo fournie par AQINAC.

L’analyse des coûts a permis de dégager une tendance : les troupeaux qui investissent dans la prévention réduisent leurs coûts totaux de traitement de la mammite. Les différences de pertes attribuables à la mammite s’établissaient à des dizaines de milliers de dollars, alors que l’écart entre les coûts de prévention n’était que de 5 000 $. C’est donc que la prévention vaut l’investissement.

Mais comment prévenir les mammites, surtout celles qui sont sous-cliniques? La clé est la diminution des nouvelles infections, selon Roy. Il est essentiel de mettre en place les mesures suivantes :

  • Impliquer un médecin vétérinaire
  • Maintenir un environnement propre et confortable
  • Mesurer le comptage de cellules somatiques (CCS) ou une mesure d’inflammation individuelle
  • Faire des cultures du lait à l’achat de l’animal et au vêlage pour détecter la mammite clinique et sous-clinique
  • Désinfecter ses mains avant la traite
  • Entretenir le système de traite
  • Concevoir une bonne méthode de traite, et la suivre
  • Établir une bonne tenue de dossier
  • Ne pas oublier les animaux de remplacement dans les efforts de prévention