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Barge emily
Communications and Marketing Manager / Center for Dairy Excellence

La planification de la relève permet de prendre votre avenir en main et de contrôler la destinée de votre ferme. Personne n’aime penser à ce qui se passera lorsqu’on ne sera plus là. Toutefois, c’est une nécessité pour les fermes laitières familiales qui gèrent des entreprises multigénérationnelles.

Lors d’une récente table ronde présentée dans le cadre du forum « Own Your Future », organisée par les Professional Dairy Managers of Pennsylvania (PDMP) et le Center for Dairy Excellence, cinq panélistes provenant de tous les secteurs de l’industrie ont participé à une discussion franche sur les façons de prendre son avenir en main.

La table ronde rassemblait les personnes suivantes : Jennifer Voss de The Voss Group, une consultante en gestion d’entreprises familiales avec près de 20 années d’expérience; Mike Hosterman de Horizon Farm Credit, un consultant chevronné en affaires agricoles qui travaille avec des entreprises agricoles à travers la Pennsylvanie; Mike Peachey, de Acuity Advisors and CPAs, qui possède des dizaines d’années d’expérience d’appui aux entreprises agroalimentaires en tant que tierce partie impartiale; Tony Brubaker, de Brubaker Farms dans le comté de Lancaster, en Pennsylvanie, qui a pris – avec son frère – la relève de la ferme de ses parents et qui cherche maintenant à structurer un partenariat pour intégrer la quatrième génération; et Lucas Waybright, un ancien agriculteur de la relève qui – après avoir exploré des possibilités de partenariat sur la ferme laitière familiale – dirige maintenant le projet pâturage laitier chez Pasa Sustainable Agriculture, et détient une certification qui lui permet d’aider d’autres familles agricoles à mettre en œuvre leur plan de relève.

Ensemble, les panélistes ont abordé certaines des questions les plus délicates et fréquentes entourant le transfert et l’élaboration de plans de relève qui profitent à tous.

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Comment amorcer cette conversation entre les générations?

Lorsqu’il s’agit d’aborder des sujets délicats, Voss a rappelé aux familles de producteurs laitiers que c’est une voie à double sens entre les générations.

« Si vous représentez la génération actuellement en place sur la ferme, vous devez être ouvert d’esprit pour discuter de l’avenir avec les membres de la relève, a expliqué Voss. Donnez-leur un aperçu de ce qui pourrait les attendre et abordez leurs préoccupations. Vous avez gagné votre vie et accumulé des biens. La prochaine génération souhaite bénéficier des mêmes opportunités, et elle doit trouver le moyen d’y parvenir au sein de la structure que vous avez bâtie. »

Quant aux représentants de la relève, Voss a également souligné l’importance de prendre sa croissance et son développement professionnel en main.

« Vous ne pouvez pas rester assis et attendre que quelqu’un vous donne ces choses, a ajouté Voss. Exprimez vos objectifs et vos intérêts [à la génération plus âgée]. Quelles compétences souhaitez-vous développer? Quelles connaissances vous manque-t-il? Prenez en main votre croissance et votre développement pour le futur. »

Afin de favoriser une communication respectueuse entre les générations, Voss suggère d’utiliser les questions suivantes pour amorcer la conversation :

Première génération : Qu’espérez-vous qu’il advienne de la ferme lorsque vous arrêterez de l’exploiter? La continuité de l’entreprise est-elle importante pour vous? Comment voyez-vous votre mode de vie à la retraite?

Deuxième génération : Quelles compétences devez-vous acquérir pour réussir? Quels rôles et responsabilités désirez-vous assumer? Ressentez-vous le besoin d’être propriétaire de la ferme? Ou souhaitez-vous exercer une influence sur l’orientation de l’entreprise et créer de la richesse pour votre famille?

Selon Voss, chaque génération possède ses propres qualités. Et celles-ci doivent être reconnues par l’autre génération lors des conversations sur l’avenir et les différentes formes de partenariats possibles. Les membres de la première génération ont accumulé des terres, des animaux et de l’équipement. Ils ont bâti des relations solides et accumulé des années d’expérience, ce qui est peut-être encore plus important que les biens. Ils ont mis en place des systèmes et des processus, et représentent une valeur ajoutée importante pour l’entreprise.

Les membres de la deuxième génération veulent faire passer l’entreprise à la vitesse supérieure. Ils apportent leur dynamisme, leur travail acharné, leur engagement et leur passion. Ils amènent un regard neuf et une perspective différente, ce qui est très précieux.

Pourquoi faire un plan si je n’ai pas de relève?

Plusieurs producteurs laitiers se demandent pourquoi ils devraient prioriser la planification de la relève s’ils n’ont pas d’héritiers ou de successeurs. Peachey a poursuivi la conversation en remettant en question cette façon de penser.

« Comment savez-vous que vous n’avez pas de relève? a demandé Peachey. Peut-être qu’il n’y a pas de prochaine génération, mais votre entreprise sera transférée à quelqu’un. Peut-être un voisin, ou un acheteur. Une des choses que vous pourriez faire si vous ne prévoyez pas de vendre à l’interne est de préparer votre entreprise pour la rendre plus attirante aux yeux d’un futur acheteur. »

Peachey a suggéré quelques points de départ pour préparer votre entreprise en vue d’une vente :

  • Mettre en place une équipe solide. Un acheteur pourrait être prêt à payer plus pour une entreprise qui dispose d’une équipe compétente.
  • Maintenir de bons registres financiers et du troupeau. Organisez vos informations.
  • Trouver des façons d’améliorer le flux de trésorerie. En améliorant votre flux de trésorerie, vous démontrez que votre modèle d’affaires est viable.
  • Envisager l’élaboration d’une planification successorale pour éviter les pressions financières inutiles dans le futur.

« Et si quelque chose vous arrivait demain? a demandé Hosterman pendant la discussion. À qui voulez-vous laisser votre patrimoine? À vos enfants ou à un organisme de bienfaisance? Vous devez faire un plan même si vous n’avez pas d’héritiers. Il n’est jamais trop tard pour commencer, mais il est plus facile de commencer tôt. » 

Une fois le plan de relève élaboré, il doit être personnalisé et adapté au fil du temps pour refléter les changements de lois, l’évolution des intérêts ou les nouveaux partenaires.

« Le principe du plan de relève est semblable au plan de culture, que les producteurs agricoles peuvent ajuster rapidement en fonction de la température, a expliqué Waybright. Il est important de préciser qu’il s’agit d’un document évolutif et flexible. Les choses changent. On n’insistera jamais assez sur l’importance de la communication et de l’ouverture. »

Je serai mort, pourquoi me soucier de la planification successorale?

Selon Voss et les autres panélistes, la planification successorale permet d’assurer l’harmonie et de prendre la responsabilité de vos biens et de votre patrimoine.

« La planification successorale permet de faciliter la tâche des personnes qui seront responsables de gérer votre patrimoine après votre décès, a expliqué Voss. L’idée, c’est d’essayer de laisser un héritage responsable. » 

La planification successorale peut aider à prévenir les différends entre les membres de la famille et à préserver l’harmonie. Selon Voss, il ne s’agit pas seulement d’éviter les impôts. Il s’agit de se protéger contre d’autres risques et pressions financières inutiles, tels que les soins de longue durée, le divorce ou d’autres obligations. Les panélistes ont décomposé la planification successorale en plusieurs éléments :

  • Don – Les biens sont d’abord transmis par donation de votre vivant.
  • Contrat – Les biens sont transmis par l’entremise de contrats, y compris l’assurance vie, les rentes, les comptes de retraite ou les pensions, ou encore des accords d’achat/vente.
  • Propriété – Les biens sont transmis en fonction de la propriété, y compris les biens immobiliers ou les comptes bancaires conjoints.
  • Testament – Si les biens n’ont pas été distribués d’une autre manière, le testament doit être consulté.

Une équipe de conseillers fiables peut vous aider à établir vos objectifs dans ces domaines et à créer un plan intégré, qui comprend votre entreprise et toutes vos finances, pour veiller à ce que votre planification successorale soit juste pour toutes les personnes impliquées.

« Il est important de travailler avec une équipe de professionnels, mais il faut leur faire confiance, a ajouté Hosterman. Vous devez établir une relation avec eux et être à l’aise avec leur travail. Ils doivent vous respecter et se concentrer sur vos objectifs. » 

Quel est le rôle d’une équipe de conseillers?

Le médiateur est l’un des membres clés de l’équipe de conseillers et peut aider à gérer les aspects plus émotionnels. Cela implique souvent de parler à chaque membre de la famille de manière indépendante afin de connaître leurs attentes, leurs émotions et leurs objectifs en toute transparence. Il sera ensuite possible d’essayer de combler les différences.

« Tout le monde a des attentes, a expliqué Peachey pendant la discussion. Dans quelle mesure les objectifs de chacun sont-ils compatibles ou contradictoires? Les attentes sont-elles bien communiquées? Si ce n’est pas le cas, il y aura des déceptions. Le défi est d’arriver à atteindre un consensus et à trouver des solutions en misant sur la communication, le dialogue et les discussions. » 

En tant que producteurs laitiers, Brubaker, Peachey et Waybright ont partagé leurs expériences personnelles avec leur équipe de conseillers en planification de la relève.

Trouver une équipe qui partage vos valeurs.

« Notre planification était très aléatoire jusqu’en 2013, a expliqué Brubaker. En 2013, nous avons réalisé que mes parents avaient tous les deux au-dessus de 70 ans et que nous devions finaliser certains détails. Après avoir mis en œuvre notre plan initial, nous devions trouver un avocat pour nous accompagner. Quelqu’un avec des valeurs semblables aux nôtres et qui pouvait comprendre notre situation. »

Comprendre l’importance de la planification financière et de la retraite.

« En 2020, quand mon neveu a acheté des parts de l’entreprise, nous avons réalisé que nous devrions commencer à penser à la retraite, a ajouté Brubaker. L’entreprise peut-elle se permettre de mettre deux associés (mon frère et moi) à la retraite? Nous avons fait appel à des planificateurs financiers pendant ce processus pour nous aider avec nos réflexions. » 

« Nous avons travaillé avec les Brubaker pour trouver des façons d’améliorer le flux de trésorerie, a précisé Peachey. L’objectif était de financer l’augmentation anticipée du coût de production causée par le versement de paiements pour la retraite. »

Inviter la prochaine génération lors des réunions avec les conseillers et des discussions financières.

« J’ai participé à ces discussions financières, a expliqué Waybright. Tout était très transparent. Je n’avais pas vraiment mon mot à dire ni de droit de vote, ce qui selon moi était juste. Il s’agissait plutôt d’apprendre comment la famille et l’entreprise prennent les décisions, bonnes et mauvaises. Je crois qu’il est inutile de cacher des informations une fois que l’on a atteint un certain niveau d’engagement et de dévouement à l’égard de l’entreprise. D’après mon expérience, j’ai trouvé que c’était une bonne chose et je suis heureux d’y avoir eu un accès complet. »

« Pendant plusieurs années, nous avons suivi une importante stratégie de réinvestissement dans notre entreprise, a ajouté Brubaker. Il y a trois ou quatre ans, nous avons réalisé que nous devions commencer à viser une certaine autonomie financière pour mon frère et moi. L’entreprise n’a pas à nous financer si nous décidons que nous ne pouvons ou ne voulons plus travailler. Dans le processus, nous avons mis en place un plan similaire pour mon neveu. Pourquoi ne pas établir dès le départ un plan pour chaque génération afin que les décisions (d’affaires futures) ne dépendent pas des paiements à verser pour la retraite? » 

Le fait de travailler en équipe et d’avoir des conversations franches peut aider chaque génération à se faire une idée claire de son avenir – et à le prendre en main.

« Si nous voulons encourager la prochaine génération à prendre la relève de l’entreprise, nous devons partager les chiffres tôt, a précisé Hosterman. La relève recherche une croissance de la valeur nette et veut pouvoir se projeter dans l’avenir. Plus tôt nous partageons les chiffres, plus tôt elle peut voir le potentiel de l’entreprise. »  

Emily Barge est responsable des communications et du marketing au Center for Dairy Excellence.