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Executive Director / Ontario Professional Agri-Contractors Association

Aujourd’hui plus que jamais, la gestion du fumier est essentielle à la réussite de l’agriculture. L’année dernière, le gouvernement canadien s’est fixé pour objectif de réduire les émissions d’azote de 30 %. L’amélioration de la gestion du fumier sera certainement nécessaire pour atteindre cet objectif.

À la suite d’une série de trois vidéos sur l’innovation en matière de fumier, une tournée sur la thématique du fumier a été organisée en Ontario et a permis des discussions avec 250 agriculteurs sur la gestion du fumier et l’innovation. Les événements ont été financés par le ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales de l’Ontario (MAAARO), coordonnés par Farm & Food Care Ontario et réalisés par l’Ontario Professional Agri-Contractors Association (OPACA).

La gestion du fumier commence dans l’étable

Il n’existe pas de solution miracle pour gérer le fumier, mais des améliorations progressives peuvent être apportées à l’ensemble du système, en commençant par l’alimentation et la litière. Les rations alimentaires n’ont pas seulement un impact sur la production de lait; elles modifient également les valeurs fertilisantes du fumier. C’est pourquoi il est toujours bon de tester le fumier après un changement d’alimentation.

La litière a également un impact considérable, tant sur la valeur nutritive que sur la consistance du fumier. Dans l’est de l’Ontario et au Québec, les fermes utilisent beaucoup de paille et de ripe de bois, tandis que plus à l’ouest, elles favorisent plutôt la litière de sable, qui n’a aucune valeur fertilisante, mais entraîne avec elle les solides du fumier au fond de la fosse.

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Qu’en est-il de l’absence de litière dans le fumier? Au cours de la visite, les participants ont visité Stonecreek Farms, à Woodham, et ont pu voir le composteur et le système de récupération de la litière de l’entreprise. Après avoir été pressé pour en retirer les solides, le fumier liquide restant est beaucoup plus facile à manipuler. La famille a installé des tuyaux souterrains pour pomper le fumier vers les champs.

La teneur en nutriments est maintenue grâce à un entreposage adéquat

Lorsque le fumier est entreposé, il est encore à sa valeur maximale en termes d’éléments nutritifs. On a estimé qu’une fosse à lisier de 160 pieds de long et de 14 pieds de profondeur contient 2 millions de gallons de lisier et un diagnostic de composition en éléments nutritifs d’une valeur d’au moins 100 000 $ en azote, phosphore et potassium (NPK).

Cependant, le fumier est une matière organique et commence donc à se transformer immédiatement, en fonction de la présence ou non d’oxygène. Sans oxygène, comme dans la plupart des fosses à lisier, l’entreposage commence à produire du méthane (CH4) et de l’ammoniac (NH3), entre autres gaz. Plus la température est élevée, plus les émissions de carbone et d’azote sont rapides. Les recherches montrent que plus le pH est élevé, plus les gaz s’échappent rapidement et plus les nutriments se perdent vite.

Le fait de recouvrir une fosse d’entreposage permet non seulement d’empêcher l’eau de pluie de pénétrer et d’augmenter la concentration en éléments nutritifs, mais aussi de garder la fosse au frais. Il existe plusieurs options de couvertures perméables et imperméables qui peuvent minimiser les dégagements gazeux, mais la plus simple est de souffler de la paille sur le dessus de la fosse. Dans le cas de l’est de l’Ontario et du Québec, la croûte épaisse de litière de paille et de ripe de bois réduit sûrement les pertes d’éléments nutritifs.

Les additifs pour fumier peuvent être prometteurs, mais des recherches supplémentaires sont nécessaires pour déterminer lesquels sont les plus efficaces. Andrew VanderZaag, chercheur à Agriculture et Agroalimentaire Canada, a réussi à réduire le pH et les dégagements gazeux en utilisant de l’acide sulfurique. Claudia Wagner-Riddle, de l’université de Guelph, a également constaté que le fait de vider complètement une fosse à lisier peut perturber la croissance microbienne. La vidange d’une fosse avant les fortes chaleurs réduit la production de méthane de 25 %, et plus la vidange est fréquente, mieux c’est. C’est une excellente nouvelle pour les fermes laitières qui épandent après chaque coupe de foin.

Certains agriculteurs capturent le méthane issu de conditions anaérobies pour en faire du gaz naturel, mais d’autres créent des conditions aérobies dans leurs entreposages. La tournée s’est arrêtée à Sigview Farms, à Moorefield, où Simon et Kristina Signer ont conçu leur nouvelle ferme laitière avec une litière de compost aérée quotidiennement. Le fumier est entreposé au cornadis et aéré par intermittence sous le caillebotis. En conditions aérobies, le méthane et le sulfure d’hydrogène ne sont pas produits et la qualité de l’air dans l’étable est améliorée.

Appliquer au bon moment et au bon taux ou pas du tout

Malgré tous les moyens mis en œuvre pour préserver les éléments fertilisants pendant l’entreposage, tout cela peut être gaspillé si le fumier est épandu au mauvais taux, au mauvais moment ou au mauvais endroit. Par temps chaud et venteux, l’azote s’envole sous forme d’ammoniac, surtout s’il n’est pas incorporé immédiatement. Dans des conditions froides et humides, il est lessivé sous forme de nitrates ou se perd dans l’air sous forme d’oxyde nitreux. De même, le phosphore contenu dans le fumier est perdu par le mouvement de l’eau dans ou sur le sol.

Quel est le meilleur moment pour épandre du fumier afin de tirer le meilleur parti de ses éléments fertilisants? Cela dépend à la fois du fumier et de la culture. L’azote contenu dans le digestat des fermes se libère rapidement et il est préférable de l’utiliser dans une culture vivante qui peut l’absorber immédiatement. Les agriculteurs réussissent à enfouir le lisier dans du maïs ou à l’épandre à la volée sur une culture de couverture. L’épandage sur le sol en foin est déjà une pratique courante pour les fermes laitières.

Les éléments nutritifs peuvent également être perdus lors de l’épandage de fumier à haute pression. L’injection du fumier est un excellent moyen de conserver les éléments nutritifs et la structure du sol intacts. Une alternative à l’injection est la barre d’épandage, qui applique le fumier liquide à basse pression au niveau du sol. La valeur du fumier dépend également des besoins du sol. L’échantillonnage du sol est important, et il existe une technologie d’application du fumier à taux variable.

Le fumier est un élément essentiel d’un sol sain et se comporte bien dans un système qui favorise la santé du sol. Adrian Güntensperger est producteur laitier près de Seaforth, en plus de faire l’épandage de fumier à forfait et d’être vice-président de l’OPACA. La santé du sol passe par la réduction du travail du sol, et son objectif est d’appliquer le fumier en bandes dans un système de strip-till. Il réduit également le compactage en évitant les champs humides au printemps, en contrôlant la circulation dans les champs et en utilisant des pneus à basse pression grâce à une technologie de gonflage/dégonflage mobile.

Lorsque les niveaux d’éléments nutritifs présents dans le sol sont adéquats, la meilleure valeur pour un agriculteur serait de vendre ou d’échanger le fumier en dehors de son exploitation. Plusieurs agriculteurs participant à la tournée ont acheté ou vendu du fumier, mais il a été difficile de fixer un prix, car le marché est surtout déterminé par l’offre et la demande, et il varie selon les régions.

Le principal problème du fumier est son volume, qui rend son transport coûteux. La déshydratation du fumier en vue d’un transport ultérieur semble assez facile, mais le phosphore se retrouve dans les liquides, la potasse dans les solides et l’azote se répartit entre les deux, de sorte que la manipulation des deux éléments entraîne encore des coûts.

Il n’existe pas de solution universelle à la gestion du fumier, mais les agriculteurs peuvent améliorer leurs systèmes de plusieurs façons en prêtant attention à l’alimentation, à la litière, à l’entreposage, au moment, aux taux et à l’emplacement des épandages, à la santé du sol et en analysant fréquemment les niveaux d’éléments nutritifs dans le sol et le fumier. En utilisant plus efficacement les éléments nutritifs contenus dans le fumier, les agriculteurs réduisent leurs émissions d’azote et de gaz à effet de serre, et ils peuvent également économiser beaucoup d’argent sur les engrais.

Les vidéos sur l’innovation en matière de fumier et l’enregistrement de la visite guidée numérique sur le fumier sont disponibles ici.  

Melisa Luymes est directrice générale de l’Ontario Professional Agri-Contractors Association.