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Les microorganismes du rumen ont besoin d’énergie pour utiliser l’azote contenu dans les protéines de la ration et synthétiser des protéines microbiennes que l’animal utilisera ensuite pour produire notamment du lait. 

Quand l’apport en protéines dégradables dans le rumen est élevé, comme c’est le cas pour la luzerne, et que l’énergie rapidement disponible de la ration est insuffisante, une partie de l’azote de la plante échappe à la digestion microbienne et peut être rejetée dans l’environnement sous forme d’urée (Figure 1).

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Pour minimiser ces pertes d’azote et assurer une conversion efficace des protéines de la ration en protéines microbiennes, suffisamment d’énergie doit être rapidement disponible; on parle alors d’un bon équilibre énergie : protéine. 

Pour vérifier cette théorie spécifiquement dans les fourrages, des incubations in vitro de luzerne ayant des ratios énergie : protéine plus ou moins élevés ont été menées dans le cadre d’un projet de recherche d’envergure financé par la Grappe de recherche laitière 3 (Agriculture et Agroalimentaire Canada et Les Producteurs laitiers du Canada dans le cadre du programme Agri-science du Partenariat canadien pour l’agriculture). Ces incubations visaient à simuler les processus de fermentation et de dégradation des nutriments qui ont lieu dans le rumen. Elles ont permis de confirmer que les fourrages de luzerne avec un meilleur ratio énergie : protéine engendraient une synthèse de protéines microbiennes plus élevée et moins d’ammoniac (NH3) dans le liquide ruminal.

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Maintenant, comment peut-on améliorer l’équilibre énergie : protéine des fourrages? Depuis déjà plusieurs années, nous examinons, avec nos collègues, cette question sous plusieurs angles. Par exemple, en plus de la récolte en après-midi qui augmente la concentration en sucres et en amidon dans les fourrages, deux sources d’énergie rapidement disponible, nous avons récemment démontré que l’ajout d’autres légumineuses à la luzerne, comme le trèfle rouge ou le lotier, améliorait le ratio énergie : protéine des mélanges fourragers.

Notre équipe a également mis au point une nouvelle méthode de sélection génétique visant à développer une variété de luzerne plus riche en énergie qu’ils ont utilisée pour créer quatre populations successivement « améliorées ». Ces populations ont été évaluées au champ à trois sites au Canada (populations un à trois) et/ou en serre (populations un à quatre) et comparées à une population non sélectionnée (témoin). Lors des essais au champ, une augmentation graduelle des concentrations en énergie a été observée, jusqu’à atteindre 1,4 % de matière sèche chez la population issue du troisième cycle de sélection. Lors des essais en serre, c’est une augmentation en énergie de 4,6 % de matière sèche qui a été mesurée chez la population issue du quatrième cycle de sélection. À titre de comparaison, la littérature scientifique rapporte qu’une augmentation en énergie de 4 % de matière sèche engendre des effets bénéfiques sur les performances animales. La population issue du quatrième cycle est donc très prometteuse!

Par ailleurs, puisque la valeur nutritive est exprimée en pourcentage de matière sèche, tout changement à l’une de ses composantes, telles que l’énergie, se répercute inévitablement sur une ou plusieurs autres composantes (pointillé blanc, Figure 2).


Dans ce projet, l’augmentation de l’énergie de la luzerne a été uniquement associée à une diminution de la concentration en fibres, avec pour conséquence une meilleure digestibilité in vitro de la matière sèche pour les populations issues des cycles trois et quatre de sélection. Le taux de protéines brutes n’ayant pas été affecté, l’équilibre énergie : protéine de ces nouvelles populations a donc été amélioré. Il est également important de souligner que leurs rendements annuels étaient comparables à la population témoin.

Au cours des prochaines années, nous prévoyons évaluer l’efficacité d’utilisation de la protéine par des vaches laitières nourries avec cette luzerne améliorée suite à quatre cycles de sélection génétique. Nous poursuivrons donc nos travaux, à la fois en laboratoire et au champ, afin de développer une luzerne plus riche en énergie dans le but de réduire l’empreinte environnementale de la reine des légumineuses fourragères.

Cet article a été rédigé par Mireille Thériault, Annie Claessens, Annick Bertrand et Solen Rocher avec Agriculture et Agroalimentaire Canada, Centre de recherche et de développement de Québec.

Les Producteurs laitiers du Canada (PLC) investissent en recherche scientifique pour favoriser l’innovation dans le secteur laitier canadien. Les PLC soutiennent des initiatives de recherche qui profitent à l’ensemble des producteurs laitiers canadiens et travaillent en collaboration avec leurs membres et autres partenaires du secteur afin d’aborder les priorités établies dans la stratégie nationale de recherche laitière. Les objectifs de cette stratégie visent à accroître l’efficacité et la durabilité des fermes, améliorer les pratiques relatives à la santé, au soin et au bien-être des animaux ainsi qu’à renforcer le rôle des produits laitiers dans la nutrition et la santé humaines et les régimes alimentaires durables. Visitez le site Web pour plus d’informations.