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Dennis ryan
Columnist
Ryan Dennis is the author of The Beasts They Turned Away, a novel set on a dairy farm. Visit his ...

Quoi qu’il en soit du monde dans lequel nous vivons, il y a un avantage à être en vie à notre époque : voyager est plus facile que jamais.

Tous les endroits lointains dont nous entendions parler à la télévision lorsque nous étions enfant sont désormais à portée de main après avoir seulement passé 10 minutes en ligne à acheter un billet d’avion. Une fois que votre vol arrive à destination, Google Maps facilite grandement vos déplacements. Le vieil adage s’avère juste : le monde est petit et ce, plus que jamais!

Une autre raison pour laquelle notre génération est particulièrement chanceuse est que certaines de ces destinations recherchées – dont certaines existent depuis des siècles – pourraient ne pas durer encore bien longtemps.

« Euh, je suppose que tu veux aller voir Venise », m’avait dit ma femme. Native d’Italie, elle y était déjà allée, mais comme la ville se trouvait dans son pays d’origine, elle ne revêtait pas le même caractère mystique pour elle que pour le reste du monde. Cependant, après avoir passé notre lune de miel en montagne dans les Dolomites au le nord de l’Italie, nous n’étions qu’à un court trajet en train de la ville historique.

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La ville de Venise, déclarée capitale de la République de Venise en 697, a été un important carrefour commercial pour la soie, les céréales et les épices, ce qui a assuré sa richesse pendant la majeure partie de son histoire. Au IXe siècle, elle est devenue le premier centre financier international au monde. Fondée à l’origine par des réfugiés cherchant à échapper aux invasions des Germains et des Huns, la ville a été construite sur des pilotis en bois au-dessus d’un lagon peu profond.

Aujourd’hui, il s’étend sur 118 petites îles reliées par plus de 400 ponts. L’indépendance de Venise en tant que cité-État a néanmoins pris fin en 1797 au moment où elle a été capturée par Napoléon, pour ensuite devenir une partie du Royaume d’Italie en 1866. En fin de compte, de l’architecture à l’opéra en passant par ses gondoles emblématiques, l’histoire de Venise est d’une richesse fascinante.

Cela étant dit, l’évaluation de ma femme contenait toutefois une part de vérité : il y faisait chaud, la ville était bondée et tout y coûtait très cher. Notre chambre d’hôtel semblait avoir été construite dans les années 1970, puis laissée telle quelle jusqu’à notre arrivée, comme dans un vieux film de Gilles Carle mais sans le charme. Les repas au restaurant étaient trois fois plus durs sur le portefeuille que dans les villes avoisinantes et il était difficile de contourner les autres touristes en train de prendre des photos dans les allées étroites entre les canaux et les bâtiments. Pourtant, après avoir entendu parler depuis si longtemps des gondoles poussées par leurs gondoliers vêtus de leur emblématique chandail rayé et les avoir vues dans tant de films, de tels désagréments valaient la peine d’être endurés pendant au moins une journée.

Mieux que cela, les voir en vrai était une chance que les générations futures n’auraient peut-être pas.

C’est que Venise est en train de disparaître. Alors que, traditionnellement, la ville s’enfonçait de 2,5 à 4,0 centimètres par siècle, ce rythme s’est accentué dans les années 1950 et 1960, en conséquence du forage de puits artisanaux. Le processus d’affaissement du sol s’est accéléré lorsque davantage d’eau a été prélevée du sol sous les bâtiments.

Le siècle dernier seulement a vu la ville disparaître de 23 centimètres, abaissant des fenêtres et des portes sous le niveau d’eau des canaux. C’est cependant l’élévation du niveau de la mer qui est la réalité la plus alarmante. Selon le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), la mer devrait monter de 63 à 101 centimètres d’ici 2100 pour submerger la ville quasiment en entier.

Personne n’est tout à fait sûr que Venise puisse être sauvée. Techniquement, les pilotis de bois sur lesquels repose la ville peuvent être remplacés par des pilotis plus longs. Cependant, il s’agit là d’un chantier long et coûteux qui nécessiterait des investissements considérables étalés sur des décennies. Malheureusement, un soutien financier sur de longues périodes de ce genre ne peut généralement pas être assuré par les gouvernements. De nombreux modèles statistiques montrent une Venise s’enfonçant dans la mer pour devenir une Atlantide de notre ère.

Malgré tout, Venise essaie d’assurer son avenir.

La coopération internationale s’est mobilisée pour tenter de protéger cette ville bien-aimée. Pour contrôler les marées, un système de vannes mobiles escamotables – appelé MOSE pour module expérimental électromécanique en italien – a été proposé dans les années 1980 et a récemment été complété dans les trois entrées maritimes de la lagune. MOSE aide à prévenir les inondations graves causées par les marées hautes cycliques, devenues plus intenses ces dernières années.

Une autre proposition prise au sérieux consiste à pomper l’eau de mer dans la terre sous Venise, ce qui devrait éventuellement surélever la ville de quelques centimètres de plus sur plusieurs décennies. Alors que de plus en plus de résidents locaux quittent la ville, d’autres encouragent les scientifiques, les architectes et les artistes à collaborer pour trouver un moyen de protéger Venise.

À notre époque moderne, il est facile de se laisser bercer par la conviction que tout ce que nous avons créé autour de nous est permanent. Pourtant, au cours de l’histoire, des civilisations entières se sont succédé, parfois sans que l’on sache pourquoi. Nous avons peut-être une meilleure compréhension scientifique et une meilleure technologie que par le passé, mais à certains égards, les défis qui nous attendent se sont aussi accrus. Certes, le monde est petit, mais il est également parfois si fragile.

Tel un pilotis, je soutiens Venise!

Ryan Dennis est écrivain et fils d’un ancien producteur laitier de l’ouest de l’État de New York (cliquez ici pour son site Web).