Qu’est-ce que ça veut dire, bien aller? Qu’est-ce qu’une bonne santé mentale? Comment savoir si on va bien? Voilà de grandes questions pour lesquelles il n’existe que de grandes réponses.

Cossette emylie
Psychologue Agricole / Conseillere en Relations Humaines et Transfert D'entreprise / Groupe ProConseil
Durand jean christophe
Psychologue Agricole / Conseiller en Relations Humaines / Transfert D’entreprise / le Groupe ProConseil
Berthiaume raphaelle
B.A. Candidate au doctorat en psychologie du travail et des organisations / Interne au Groupe ProConseil

Considérant la nature de l’humain qui se veut remplie de multiples facettes, répondre à ces questions est un exercice complexe et parfois même contradictoire. Et ce, malgré le fait que nous répondions automatiquement que nous allons bien lorsque la question nous est posée.

Dans les dernières années, les sujets du bien-être et de la santé mentale ont gagné en popularité, notamment en raison de la pandémie. Ils ont maintenant une place de choix au sein des échanges, de sorte qu’il est possible de retrouver une multitude d’informations sur le sujet.

Des conférences aux articles dans les journaux en passant par des émissions à la télévision ou simplement dans des conversations entre amis, la notion de bien-être est maintenant un sujet bien populaire qui fait couler beaucoup d’encre. 

Bien que cette nouvelle vague d’intérêt entourant le bien-être soit bénéfique pour briser certains tabous entourant la grande thématique de la santé mentale, les différentes informations communiquées dans les médias peuvent parfois contribuer à une certaine « pression de bien aller ». 

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Faire du sport, de la méditation, aller en nature, trouver un équilibre travail-famille, manger de façon équilibrée, pratiquer la gratitude, avoir du temps de repos… la liste d’actions mises de l’avant afin de « bien aller » peut rapidement devenir très longue et étourdissante. Devant cette marée de trucs et conseils provenant de sources aléatoires, il est normal que certaines personnes se sentent emportées par cette vague et ressentent une pression d’eux aussi se joindre au mouvement. De plus, la vision du bien-être présentée dans les médias est souvent irréaliste c.-à-d. qu’elle présente une vision ou le bien-être exclut toute possibilité de se sentir autrement qu’heureux. C’est comme si l’idéal à atteindre était de toujours se sentir zen, calme, joyeux, en contrôle, et ce, 365 jours par année. Si l’on regarde la météo pour une année entière, est-ce réaliste de penser qu’il va toujours faire beau? Probablement pas! 

La logique est la même quant à la santé mentale. Est-ce réaliste de penser qu’il est possible de se sentir heureux à tout moment? Non! 

Le questionnement peut même être poussé un peu plus loin afin de se demander si c’est même quelque chose de souhaitable? Comment faire pousser nos récoltes s’il ne pleut jamais? Comment grandir en tant qu’humain si on ne se laisse pas la chance de ressentir toute une gamme d’émotions? Bien aller, c’est aussi mal aller par moment.

En raison de ce qui est habituellement présenté lorsqu’on parle de bien-être, il est normal de penser que de bien aller, c’est d’être heureux, ressentir de la joie, se sentir léger… Bien que ces émotions soient importantes et parties prenantes du concept de bien-être, certains chercheurs et psychologues seraient en désaccord et affirmeraient que le bien-être comporte des émotions beaucoup plus complexes et comprend une multitude d’états qui s’alternent, par exemple la remise en question, la fierté, la culpabilité, la joie, etc. En effet, toutes les émotions sont nécessaires et donc, d’une certaine façon, positives pour l’individu.

Évidemment, certaines émotions sont agréables à ressentir alors que d’autres non, mais l’important est de retenir que toutes les émotions sont essentielles au bon fonctionnement de l’humain. Qu’on puisse le voir ou non, ces émotions ont leurs fonctions qui leur sont uniques et qui ont même contribué à la survie de l’espèce humaine. Par exemple, la peur est très utile afin de nous informer que nous sommes dans une situation risquée et qui nécessite que l’on pose des actions afin de nous rassurer et de nous mettre en sécurité. Ainsi, le bien-être serait davantage la capacité de ressentir et de gérer toute la gamme des émotions sur une base régulière, impliquant aussi de s’accorder le droit de vivre des journées plus difficiles.

En travaillant dans le milieu agricole, les défis et les incertitudes sont omniprésents. Que ce soit la météo, les taux d’intérêt, le marché, les bris de machineries, et ce sans compter les relations humaines parfois tendues, une foule de facteurs peuvent venir impacter les émotions ressenties par les producteurs. Il est irréaliste de s’imposer le fait de toujours être en contrôle et heureux. Au contraire, il est plutôt bénéfique de s’accorder le droit de moins bien se sentir par moment.

Le bien-être, dans ces situations, est davantage d’être en mesure d’identifier l’émotion qui est ressentie, se donner le droit de la ressentir et d’être capable de se mettre en action pour gérer cette émotion, que ce soit en en parlant à quelqu’un ou en appliquant une solution au problème. Concrètement, lors d’une grande journée de pluie qui met en péril les récoltes, un producteur pourrait ressentir un grand stress. Au lieu de nier ce stress, le producteur gagnerait à se dire qu’il est normal qu’il ressente ce stress en raison de la situation et s’il le désire, il pourrait en parler avec ses proches ou un voisin afin de tenter de trouver des solutions et partager son expérience.

Bien qu’il soit normal de vivre différentes émotions, il est essentiel de mentionner que si un état de mal-être est omniprésent et persistant, il est important et courageux d’aller chercher de l’aide. De plus, comme la gestion de ses émotions peut parfois être un défi pour plusieurs raisons, l’aide des professionnels peut être utile ou même recommandée afin de vous soutenir dans ce processus.

En terminant, il est important de s’offrir le droit d’avoir nous aussi des journées de pluies. Ressentir toute la gamme des émotions est ce qui nous rend humains, vrais et en santé. Il est bon de se questionner sur notre bien-être et tenter de l’optimiser, mais il faut se rappeler de veiller sur soi, tout en considérant le contexte qui nous entoure.