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Dans le monde entier, de nombreuses exploitations familiales se sont rabattues sur l'autosuffisance « fait maison » dans les dernières années puisque les infrastructures de transport et de distribution des produits agricoles ont été perturbées par les impacts économiques de la COVID-19. L’expression « faire avec ce que l'on a sous la main » a été largement appliquée par tous les producteurs dans les dernières années.
Mais il s'est avéré difficile d'obtenir une litière de qualité durant les périodes chaudes de l’été. Lorsque la température estivale est élevée, les problèmes de bactéries, de mouches et de tiques se posent aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'étable. Cependant, tout le monde n'a pas un bac à sable (litière inorganique) dans lequel creuser, et la paille de qualité (litière organique) a été difficile à trouver. Quels végétaux d'origine locale pouvons-nous utiliser comme litière alternative?
Qu'est-ce qui caractérise une bonne litière pour les vaches?
Les caractéristiques clés de tout matériau de litière sont (a) l’aptitude à maintenir ou améliorer la santé du pis et des voies respiratoires, (b) la durabilité après huit à 16 heures de repos des vaches tous les jours et (c), le faible réchauffement malgré l'accumulation d'humidité et les fluctuations de l'activité biologique en fonction des températures saisonnières (Figure 1).
En juin, des chercheurs du département d'ingénierie agricole de l'Université fédérale de Lavras à Minas Gerais, au Brésil, ont publié un article dans le Journal of Dairy Science, intitulé « Properties of conventional and alternative bedding materials for dairy cattle » (Propriétés des matériaux de litière conventionnelle et alternative pour le bétail laitier). Leur étude compare les analyses de la capacité de rétention d'eau, de la teneur en eau, de la porosité, de la densité apparente, de la composition bactérienne et du rapport carbone/azote de 17 matériaux de litière utilisés en Italie, en Slovénie et aux Pays-Bas. En résumé, ils ont comparé les enveloppes de céréales et la paille des cultures céréalières (orge, triticale, blé) à l'écorce et aux copeaux de sciure de conifères et de feuillus, ainsi qu'à des alternatives offertes localement comme le chanvre, le lin, le miscanthus, l'épeautre et une herbe sous-marine, Posidonia oceanica. Chaque matériau a été classé en fonction de son aptitude à être utilisé dans les stalles utilisant de la litière accumulée et dans les étables en stabulation libre. Cette étude est un bon exemple de ce qu'il faut rechercher lorsqu'on envisage des matériaux de litière pour le bétail.
Dans cet article, nous examinons trois options de litière alternatives : la classique paille faite à partir de foin, la paille de chanvre et un bois dur que l'on trouve en abondance dans la région.
Quelques questions à poser sur la litière alternative :
- Est-elle non toxique pour le bétail?
- Peut-elle absorber l'humidité tout en maintenant les animaux au sec et sans irriter leur peau ou leurs muqueuses; si elle est ingérée, causera-t-elle des dommages (respiratoires, circulatoires, gastro-intestinaux et ambulatoires)?
- Quelle est son/sa :
o Capacité de rétention d'eau
o Teneur en humidité
o Porosité
o Densité apparente
o Composition bactérienne
o Teneur en azote
o Analyse de la matière organique
o Rapport carbone/azote
Écales : Les céréales et les arachides décortiquées présentent des qualités de litière intéressantes, mais le nombre total de coliformes dans les écales et les moisissures saisonnières peut être 700 000 fois plus élevé que pour les copeaux de bois et la paille, avant même que le fumier ne s'accumule. Mike Maroney, médecin vétérinaire au Wisconsin, parle de la mammite à coliformes dans sa Fiche d'information sur la rentabilité du lait nº4 : « Les bactéries coliformes sont des habitants normaux du sol, du tube digestif et du fumier. Elles s'accumulent et se multiplient dans les litières contaminées. Un nombre de coliformes égal ou supérieur à 1 000 000 par gramme de litière augmente la probabilité d'une infection du pis et d'une mammite clinique. »
Paille faite à partir du foin : Dans une fiche d'information sur le foin moisi, des experts en fourrages de l'Université du Wisconsin, de la Pennsylvanie, du Michigan, de l'Idaho, de la Caroline du Nord State et de Kemin Nutrition et santé animale – Amérique du Nord, mettent en évidence sept moisissures que l'on trouve couramment dans les andains et qui se retrouvent dans la litière faite à partir de foin. « Les moisissures que l'on trouve couramment dans le foin comprennent l'alternaria, l'aspergillus, le cladosporum, le fusarium, le mucor, le penicillium et le rhizopus. Ces moisissures peuvent produire des spores qui provoquent des problèmes respiratoires, notamment chez les chevaux ou d'autres animaux nourris dans des zones mal ventilées et, dans certaines conditions, produiront des mycotoxines. » Même si la litière faite à partir de foin possède de nombreux attributs qui la rendent structurellement utile comme litière et un rapport carbone/azote d'environ 25-1, il ne faut pas oublier ceci : des micro-organismes, des moisissures, des oiseaux, des rongeurs et de la vermine ont mâché et déféqué sur la litière faite à partir de foin, ce qui peut constituer une source importante de bactéries responsables de mammites.
Le chanvre : La production de la fibre de cette plante vieille de 12 000 ans est passée d'environ 9 000 acres aux États-Unis en 2016 à plus de 400 000 acres en 2020. La fibre de chanvre présente de nombreux points positifs comme litière alternative. Le rapport carbone/azote du chanvre (98-1) est inférieur à celui des autres sources de paille, mais n'est pas statistiquement différent. Le chanvre n'est pas toxique pour le bétail et les balles de chanvre stockées sont séchées sur le terrain ou au séchoir pour atteindre un taux d'humidité inférieur à 10 %. N'oubliez pas de faire la différence entre le chanvre propre et le chanvre laissé dans l'andain. Lorsque le chanvre ou toute autre paille commence à pourrir, des taches sombres de colonies de champignons commencent à apparaître dans les tiges. Les champignons les plus fréquemment rencontrés dans les résidus de chanvre sont « alternaria, hormodendrum, fusarium, cephalosporium, phoma et Trichothecium roseum ».
Frêne blanc : La composition de la forêt américaine, qui compte 8 milliards de frênes mélangés à d'autres feuillus, n'est pas très différente de celle de l'époque où nos grands-pères coupaient leur propre bois et utilisaient les copeaux pour la litière de leurs vaches. Le volume considérable de frênes mourants encore sur pied le long des routes et dans les haies à cause de l'agrile du frêne crée une source locale de litière alternative. Cependant, les rapports carbone/azote sont assez élevés dans les matériaux en bois dur : plus de 100 pour le paillis d'écorce et plus de 500 pour la sciure fraîche. Les produits du bois dont le rapport carbone/azote est supérieur à 25-1 ou 30-1 entraîneront la libération d'ammoniac dans la litière. L'idéal est donc de choisir une litière proche de cette valeur, mais pas inférieure, afin que les microbes puissent travailler dans un environnement sans stress. Les copeaux de bois ont une capacité de rétention d'eau supérieure à celle de la sciure sèche et du paillis d'écorce et sont comparables à la paille d'orge. Le taux d'humidité des feuillus déchiquetés varie entre 25 % et 50 %, avec une analyse typique de 42 % avant séchage à l'air (12 % à 20 %) ou au four (7 %).
De plus, le bois de frêne n'est pas toxique pour le bétail. En fait, la plupart des produits de bois dur, à l'exception du cerisier et du noyer, peuvent être transformés en matériaux de litière et sont comparables aux pailles pour ce qui est des faibles niveaux de croissance d'E. coli et de Klebsiella spp. Le bois de frêne pourrait même avoir des qualités insecticides et répulsives selon une mention dans une publication forestière de l'USDA de 1991.
La récolte d'arbres endommagés ou mourants pour la qualité de la litière n'est pas une priorité pour l'industrie du bois, pas plus que la récolte de petites poches de frênes morts sur les bords de route, les emprises et les haies. Mais cela pourrait le devenir. Les municipalités des zones à forte densité urbaine continuent de chercher un autre marché pour les copeaux de frêne provenant des zones résidentielles, car les centrales électriques délaissent les combustibles issus de la biomasse au profit du pétrole, moins cher.
Enfin, la double valeur des cendres de bois dur comme matériau de chaulage est bien connue. L'Université de la Californie a évalué l'utilisation agricole des cendres de bois dans une publication de 1999 : « La cendre de bois est un matériau de chaulage efficace, car les oxydes de calcium, de magnésium et de potassium contenus dans la cendre peuvent neutraliser l'acidité des sols. »